Il ne faut pas voir toutes les choses de la vie à
travers le prisme de la poésie. Il ressemble à ces
verres ingénieux qui grandissent les objets. Ils vous
montrent dans toute leur lumière et dans toute leur
majesté les sphères du ciel ; rabaissez-les sur la terre,
et vous ne verrez plus que des formes gigantesques,
à la vérité, mais pâles, vagues et confuses.
Victor Hugo
Littérature et philosophie mélées
Depuis 1997, nous avons parcouru et photographié, par intermittence, la vieille et la nouvelle
Europe. Nous tentions de capter ce qui passait de Bordeaux, où jadis s'essayait Montaigne, à
Bilbao. Ou de Rotterdam à Stockholm. Ou de Sarajevo à Sarapoul. Ou de Prague à Kiev. Nous
revenions pourtant en Grèce, en Crète, à Chypre, au Maroc ou au Liban... Ce retour aux sources
nous aura encore entraînés vers les territoires d'outre-mer. Partout, nous avons croisé les
témoins fugitifs d'une géographie et d'une histoire éclatées, mais aussi partagées. Comme s'ils
habitaient à leur insu l'archipel des passants : un archipel né, tels nous tous, d'une rencontre ou
d'un conflit entre la mer et la terre, entre le signe et l'horizon, entre la langue et l'esprit, entre
la contrainte et la liberté. Sans les passants, qui témoignent par leur présence même de ce que
nous appelons la réalité, le monde nous resterait invisible.
Valérie Frey et Yves Laplace
Qui n'a jamais rêvé que le monde fût à jamais
une terre hospitalière, non dans sa conformation
géologique mais dans sa géographie humaine ?
Toutes les races, les nations, les villes, tous les
villages - tous traversés par cette certitude que
nous peuplons le monde tels des passants. Ceux qui
habitent ces pages nous représentent, nous autres,
pèlerins immobiles ou voyageurs au long cours.
On ne trouvera pas de fantômes ici, mais on croisera
comme dans un miroir les oubliés, les rejetés,
les délaissés, les damnés, mais aussi les heureux,
les souriants, les amoureux, les nostalgiques, les
inquiets, les conquérants. Le monde est ainsi fait.
Valérie Frey et Yves Laplace nous donnent à voir
ce qui se cache sous nos apparences. Que ce soit
au coeur de l'immensité russe ou dans la tragique
Bosnie, dans les ruines du Liban meurtri ou dans
cette Afrique qui se cherche encore, dans cette Asie
qui n'en finit pas de s'activer, et même dans cette
vieille Europe fatiguée d'avoir tout possédé...
Soudain nos pérégrinations, nos voyages intérieurs,
nos aventures terrestres, maritimes ou même
aériennes prennent sens. Paradoxal ?
Les textes révéleront également (les photographies
sont issues de tirages argentiques) ce qui se trouve
dans cet «Archimonde». Apparaissent alors les
infinitudes de gris comme le spectre des couleurs
- que les auteurs ont su capter dans quelques
poussières soulevées ici ou là.
Marc Gabriel Jehouda
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