Le Fou d’Elsa (1963) occupe une place particulière à la fois dans l’œuvre d’Aragon et dans l’histoire de la poésie française. L’ampleur de l’ouvrage et la portée des ambitions du plus monstrueux des cinq grands poèmes écrits par Aragon à partir de 1954 l’apparentent certes aux grandes épopées romantiques dont il serait le dernier avatar. Reste que cette monstruosité bouleverse, d’une façon inédite chez le poète et ceux dont il se fait l’héritier, lois et fonction du genre poétique : poème-roman sans rivage, brassant la fiction avec une documentation historique peu commune dans le continent poétique, Le Fou d’Elsa produit également des thèses d’auteur, prises de position argumentées dans le champ de l’histoire, de la politique et de la littérature. Le propos de cet ouvrage, premier essai consacré au Fou d’Elsa depuis quarante ans, est de lier l’étude des thèses développées dans ce poème à celle de son armature déconcertante : jouant à la fois de la cohérence et de l’opacité de ses propos, le poème s’offre en effet à lire tel une citadelle demandant qu’on l’investisse. La description de cette citadelle nécessite aussi bien l’étude des matériaux à partir desquels le poète l’a édifiée que celle des voies d’accès qu’il ménage à son lecteur.
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