«La pratique artistique fut inévitablement confrontée, durant tout le XXe siècle, à l'impossibilité (ou à l'interdiction) de rapporter ses œuvres à un idéal compris selon l'ancien concept de l'harmonie : de la beauté comme complétude, de la forme achevée, de l'unité à laquelle on ne saurait rien ajouter ni retrancher, de la figuration en petit d'un monde enfin réconcilié. Les raisons de cette désaffection sont à la fois internes à la sphère artistique et à son histoire (toutes les ruptures et investigations de nouveaux champs qu'Adorno rapporte à ce qu'il appelle la «crise de l'apparence») et externes (prise de conscience générale d'un monde scindé, abandon de la confiance en une marche et un sens de l'histoire, guerres, extermination) : dans l'un et l'autre cas, le résultat fut de jeter sur le parti pris de la consonance, de l'équilibre et de la fascination de la totalité un soupçon d'irresponsabilité, d'excessive naïveté, voire de cynisme et de volonté délibérée de mentir dans le but de sauver les apparences. Les artistes les plus conséquents refusèrent cette légitimation ambiguë qui leur était volontiers offerte de toutes parts, qui consiste à glorifier dans l'art précisément cette fonction de dissimulation de la réalité, de sublimation abusive, de remythologisation ou de réenchantement du monde : ils comprirent au contraire que l'art avait pour tâche de contribuer à faire voir et à donner à penser, que cette tâche avait toujours été la sienne, et qu'elle exigeait aujourd'hui qu'on se mît à la recherche d'une expérience nouvelle, proprement contemporaine, du discernement...»
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