Apaiser la poussière
Mieux que les sahabs, les bibis ou les babus, c'était les domestiques qui connaissaient la disposition des deux maisons où j'ai grandi, leur géographie improvisée, leur histoire opaque, la multiplicité de leurs voix - celle du zénith, rideaux tirés, et celle du soir, embrumée. Car, davantage que leurs maîtres, les domestiques étaient les sages-femmes qui avaient donné naissance aux deux maisons berçant nos vies. Et toutes deux avaient grandi, puis s'étaient ratatinées avec eux. Pourtant, leurs propriétaires eux aussi les avaient soigneusement bâties : non seulement avec les matériaux dont ils disposaient, mais encore avec leurs rêves, leurs espoirs et leurs excentricités. Le souffle des maîtres, des maîtresses et des domestiques servait de piliers aux deux maisons qui avaient été notre chez-nous de l'enfance à l'adolescence ; comme le dit l'adage, on bâtit une maison avec des briques, mais un chez-soi avec du souffle. Je traverse l'une des maisons - la blanche - à pas prudents, feutrés. La poussière de mon histoire pèse lourdement sur l'endroit. Je ne veux pas troubler ces couches bien visibles de temps accumulé. Pour moi, cette maison sera toujours Ammi ké yahan. Chez Ammi. La maison d'Ammi. Bien qu'elle fût bâtie par son époux, mon grand-père.
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