De 1963 à 1967 Claude Michel Cluny n'a publié qu'un recueil
de poèmes et un roman, Un jeune homme de Venise. La
rédaction de ce livre s'étend sur un laps de temps si long que
l'auteur, en commentant sans se ménager sa propension à
tout faire sauf écrire, en éprouve une impression de vacuité
de plus en plus prégnante, même après la publication en 1966.
Tout faire, c'est-à-dire aimer, admirer, voyager. La curiosité
pimente l'appétit de vivre sans tabou, et le goût de juger
sans a priori. L'Europe, le Proche-Orient, l'Amérique latine
voient passer un témoin tour à tour acide et passionné, voyageur
solitaire habité par «le sentiment que sa vie disparaît
sans trace : de l'eau versée sur le sable».
Pourtant, il cède aux incitations de Jean Paulhan et se fait
critique littéraire, et bientôt de cinéma. Il entre dans l'équipe
des Lettres françaises que dirige Aragon, à La Quinzaine
littéraire de Maurice Nadeau. La vie culturelle paraît privée
de lignes de force, de repères, de grandes figures franches
dans un climat politique délétère. On s'étonnera peut-être
que l'auteur n'ait pas gommé des sévérités extrêmes, voire
des injustices. Pas plus que pour sa vie, s'il ne dit pas tout, il
n'aura voulu trahir «la mémoire pour y faire lever une moisson
différente des belles herbes amères de [sa] jeunesse».
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