C’est presque à la même époque qu’André Gide découvrit la passion du voyage et celle de l’écriture ; qu’il ait ensuite établi entre ces deux activités, des rapports féconds ne serait pas étonnant, et ne le distinguerait guère de toute une catégorie d’écrivains nomades qui proliféra avec l’essor de la colonisation et des moyens de transport. Mais il se trouve que ces rapports furent aussi d’opposition, le bonheur du voyage devenant sous sa plume l’expression d’un destin ironique ou tragique, toujours décevant, parfois cruel. S’interrogeant sur les causes de cette contradiction, cet ouvrage s’efforce de montrer l’existence d’une véritable stratégie du voyage gidien : lisible autant dans la structure des œuvres que dans leur organisation thématique ou symbolique, elle permet à son auteur de vivre et de dire ce que la société et une part de lui-même condamnaient au silence. Chargé à la fois de révéler et de dissimuler, le voyage est ainsi au cœur de l’ambiguïté gidienne. Partant des rapports historiques de Gide avec le voyage, c’est donc en fait dans une relecture de son œuvre que nous sommes embarqués, voyageant à notre tour à la poursuite d’un éternel absent.
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