Pour évoquer la richesse infinie des significations d’une œuvre, Borges aime à rappeler Scot Erigène, qui les compare à la magique irisation des plumes du paon. J’aurais souhaité, Amour de lecteur, que ce livre ressemblât à ce plumage quasi fabuleux. Ton œil exercé aurait pu y discerner la cruelle couleur du sang qui coule des plaies de Prévert, le rose de la pierre romaine qui dore les textes de Ponge, le vert de l’herbe qui jamais ne flétrit dans l’œuvre de Jaccottet, le jaune substantiel qui colore les livres de Quignard ou encore l’éclat stellaire d’une peau qui sert de guide à Desnos égaré dans ses nuits, – sans compter toutes les couleurs que Kijno rassemble, et qui, pour la plupart, nous sont inconnues : elles n’existent que sur ses toiles. À cette image trop chatoyante des plumes de l’oiseau de Junon ou de l’écharpe d’iris, je préfère pourtant celle plus prosaïque des diaprures que provoque l’essence répandue dans les flaques des caniveaux, et dont s’émerveille un gamin planté là sur le trottoir. Le voilà de nouveau, cet enfant, dont on me fait remarquer qu’il s’obstine à revenir dans ce livre, de chapitre en chapitre. Je n’avais pas prévu qu’il serait là. Sa présence, je ne me l’explique pas. Sauf à supposer qu’il n’est que l’ombre portée du lecteur incliné sur ces pages, persuadé comme je le suis, que c’est cet enfant qui lit depuis toujours à travers nous, quelque âgé que l’on soit, avec la même émotion, la même fascination qu’il éprouvait à regarder les flaques d’eau grise enluminées.
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