« En 1918, devant la défaite allemande imminente, les huissiers de l’Empire ouvrirent aux dirigeants sociaux-démocrates la porte si longtemps close et les introduisirent, non sans arrière-pensées, dans l’antichambre du pouvoir. Et voilà que les masses se précipitèrent à l’intérieur, bousculèrent leurs dirigeants et les entraînèrent jusqu’à la porte du pouvoir lui-même. La social-démocratie semblait enfin parvenue à son but. Alors ses dirigeants, élevés malgré eux jusqu’au trône vide par la foule de leurs partisans, n’eurent rien de plus pressé que d’ordonner aux anciens gardiens du Palais de mettre tout le monde dehors. »
Sebastian Haffner raconte la trahison d’un peuple insurgé par ses propres représentants : comment les Ebert, Noske ou Scheidemann, déjà ralliés à l’union sacrée en 1914, consomment la faillite définitive de la social-démocratie. Appelés au pouvoir par le gouvernement impérial pour prévenir une révolution, ils jouent sans faiblir leur rôle, jusqu’à l’écrasement de la révolte de Berlin aux premiers jours de 1919.
Journaliste et mémorialiste, Sebastian Haffner (1907–1999) est l’auteur d’Histoire d’un allemand. Souvenirs (1914–1933). Juriste, il renonce dès 1933 à la magistrature, pour ne pas se rendre complice du régime qui en exclut les juifs. Il s’exile en Angleterre en 1938.
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