Alger sans moi

Alger sans moi...

La vie d'un médecin cabaliste bascule après avoir avalé une mouche au cours d'une prière extatique. Le mal est entré en lui. Sur ! le ton baroque d'un humour noir, le récit s'articule, aux dernières heures de l'Algérie française, entre le combat de ses passions, sa rigueur morale et une certaine porosité de l'être qui le conduit à ne plus distinguer le soi du non-soi.

- Asseyez-vous !

Elle s'exécute élégamment, sans se presser, mais une fois posée, le haut de sa robe est tombé par magie jusqu'à sa taille, découvrant, sous son petit soutien-gorge descendu sur les plis de ses vêtements, une peau blanche ornée d'une aréole à peine plus foncée et d'un mamelon bien fendu. Étrange sensation d'optique, zoom brutal sur les détails de son anatomie, suivi d'un retrait tout aussi vif vers le grand-angle de ma décence. Je regarde le vide. Les larges fleurs imprimées se mêlent maintenant au satin gris, lingerie fine bordée de dentelles calaisiennes. Elle porte le même grain de beauté que Suzanne, brun foncé sur une épaule blanche, exactement au même endroit. Je malaxe, un brin fébrile, les branches caoutchoutées du premier stéthoscope venu et remercie Laennec pour cette invention miraculeuse.

- Voyons cela, nous allons voir.

- Tue-le, tire, tue-le !

Je sens encore l'impact de sa main sur mon épaule. Le cercle se referme, de plus en plus proche. Il n'y a plus d'issue. Son regard tourne autour des multitudes et croise les regards, mon regard.

- Tue-le ! Tire ! Tire tapette ! Vas-y ! vas-y salope ! Tu vas tirer ?

Je crois que j'ai crié « Tue-le ! Tire ! »

J'ai entendu ma voix, comme le bourdonnement d'une vieille mouche inassouvie. Vieille fille aigrie, insatisfaite. J'ai entendu, mais je ne suis pas certain d'avoir articulé ces terribles paroles.