Alfred Jarry à La Revue blanche
De 1893 à 1899, Alfred Jarry livre des textes d'une obscurité palpable. Cette obscurité s'inscrit pleinement dans la mouvance du « rêve mallarméen du livre », qui est « d'abord [...] le rêve d'un livre [...] total qui enferme dans sa plénitude jalouse, comme les missels à fermoir ou les grimoires des alchimistes, la plénitude du sens » (Bertrand Marchal). Et cette plénitude du sens ne doit pas être octroyée à quiconque. Il s'agit, pour Jarry, par le texte, de s'offrir au regard et dans le même temps de se soustraire - du moins en partie - à la compréhension qui peut être faite de ce que l'on offre au regard ; il n'est pour s'en rendre compte que de se reporter aux Minutes ou à César-Antechrist, ou encore à la critique d'art pratiquée par Jarry dans sa jeunesse. En revanche, constate Julien Schuh, « à l'aube du XXe siècle, dans un autre espace littéraire » qui correspond surtout au cénacle de La Revue blanche, « la démarche de Jarry se transforme ». En effet, ce qui frappe immédiatement, en ce qui concerne les textes des « Spéculations » ou des « Gestes » comme en ce qui concerne les critiques littéraires publiées dans le même temps à La Revue blanche, c'est l'immédiate clarté de la langue, qui s'oppose si fortement au premier Jarry que nous venons d'évoquer. Un tel changement stylistique, séparant l'oeuvre de Jarry en deux pans bien distincts, pose indubitablement question. C'est de cette question qu'est né peu à peu cet ouvrage.
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