J’étais seul et sans mémoire depuis cinq ou six années. Je ne savais plus quoi, mais il avait bien fallu l’oublier. Mon nom même m’apparaissait comme une résonance plutôt étrange, je l’avais perdu sans doute pour gagner celui de fleurs et d’astres que je distinguais nouvellement – le monde me devenait familier, m’engloutissait. La vieille maison dont j’avais hérité souffrait de désolation, j’y errais dans un étroit périmètre de pénombre, entre des murs gris et des objets surannés. Une atmosphère mélancolique m’imbibait comme un mauvais vin, une piquette prise à contre-coeur. Cependant je vivais en continuant de vivre, ne méritant plus que de l’habitude. Rien de triste, en somme, simplement la vie de presque tout le monde. L’hiver venait souvent, j’avais froid. Des heures durant je me tenais sur le seuil, assis sur la pierre d’entrée, comme à attendre. Ainsi ce jour.
Jean-Claude Leroy signe avec Aimer de vivre un recueil crépusculaire, étranger au monde frivole, hors du temps – ensorcelant. Son écriture, subtilement poétique, se fait lascive, tumultueuse, mélancolique, intranquille, pour ciseler cinq récits, brûlants et vacillants comme la flamme d’une bougie, où se croisent, s’aiment, se désirent et se déchirent des corps, des coeurs, des frères et des âmes sœurs.
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