Voici le premier livre en français sur Aby Warburg (1866-1929). Fondateur de la discipline iconologique, créateur du prestigieux institut qui porte son nom. Warburg a compté parmi ses disciples les plus célèbres historiens d'art du siècle : E. Panofsky, E. Wind, F. Saxl...
Mais ces héritiers ont, pour la plupart, préféré développer une «iconologie restreinte» fondée sur le déchiffrement et l'interprétation des symboles - là où Warburg, nourri de Nietzsche et de Burckhardt, entendait assumer les risques d'une «iconologie critique», s'engageant si intensément dans ses recherches sur le destin de l'image en Occident qu'il y risqua sa raison.
Au grand récit téléologique instauré par Vasari, Warburg oppose d'emblée la fertilité des anachronismes : il met en vis-à-vis des procédures païennes comme le moulage des visages et les chefs-d'œuvre de l'art florentin ; l'astrologie de l'Antiquité orientale et la Réforme luthérienne : les fêtes maniéristes et les danses sacrées des Indiens d'Amérique... Ecrire l'histoire de l'art, c'est non seulement confronter des objets hétérogènes, mais repérer dans l'œuvre même les lignes de fracture, les tensions, les contradictions, les énergies au travail : le tableau est la mise en suspens de facteurs incommensurables.
Simultanément, Warburg renverse l'interprétation de Winckelmann (qui cherchait dans l'art grec «la noble simplicité et la grandeur sereine») et lui substitue comme véritable source de la Renaissance l'élan dionysiaque, l'expression du mouvement, de la danse, de la transe personnifiés par la nymphe échevelée, la ménade extatique et convulsée.
Avec Warburg, l'histoire de l'art n'opère plus aux confins de l'anthropologie : elle en est une catégorie. Plutôt que leur beauté, il met en évidence l'efficacité des images. Ses mots clés sont : survivance, magie, empathie, animisme, totémisme...
A trente ans, en 1896, par un geste raisonné de rupture, il se rend chez les Hopis du Nouveau-Mexique, Etrange parcours mélancolique d'un historien qui va trouver dans les rituels des Indiens pueblos les réponses aux énigmes que lui posait la Renaissance de l'Occident.
A partir de 1924, Warburg élabore avec son Atlas intitulé Mnémosyne une «histoire de l'art sans texte» qui procède par juxtaposition de documents empruntés à tous les champs du savoir : «montage-collision» - au sens d'Eisenstein -, esquisse mystérieuse d'un nouveau type d'exposé et d'exposition, loin des généalogies établies.
L'ouvrage de Philippe-Alain Michaud n'est pas seulement un livre sur Warburg, c'est un livre avec Warburg - dont il prolonge les intuitions en introduisant dans son analyse le daguerréotype, les expériences de Marey, le cinéma primitif, la danse de Loïe Fuller, toutes pratiques qui affleurent dans l'interprétation warburgienne des images et qui en éclairent la singularité.
We publiceren alleen reviews die voldoen aan de voorwaarden voor reviews. Bekijk onze voorwaarden voor reviews.