Abdülhamid II (1876-1909) a-t-il été le dernier grand sultan, modernisateur de l’Empire ottoman, ou le despote sanguinaire dénoncé à l’époque comme le « sultan rouge » ? Né en 1842 au début des réformes des Tanzimat, monté sur le trône à trente-trois ans, il se retrouve à la tête d’un empire qui s’étend de l’Adriatique au golfe Persique et du Caucase à l’Afrique du Nord. Mais celui-ci est fragile, il est « l’homme malade de l’Europe ». Confronté dès son avènement à l’une des plus graves crises de l’histoire ottomane, le sultan ne peut éviter une lourde défaite face aux armées russes ni les graves amputations territoriales du traité de Berlin.
Souverain d’un empire désormais moins étendu et affaibli, Abdülhamid met tout en œuvre pour le redresser. Reclus dans son palais de Yõldõz, il établit un régime autocratique, modernise la bureaucratie, la justice, l’armée et l’enseignement. Jouant de sa qualité de calife, il s’appuie sur les musulmans des provinces, s’efforce de freiner les aspirations nationales des Albanais, des Arabes et des Kurdes. Prenant acte du recul dans les Balkans, il consolide la présence de l’Etat en Anatolie et au Proche-Orient. Cette politique se heurte à l’émergence du nationalisme arménien, aux pressions accrues de l’Europe, aux activités terroristes en Macédoine et, pour finir, à l’opposition des Jeunes Turcs. La révolution de 1908 cantonne l’autocrate de Yõldõz dans le rôle de monarque constitutionnel, avant de le déposer quelques mois plus tard. Sultan déchu, il s’éteint en 1918, l’année de la disparition de l’Empire.
S’appuyant sur les recherches les plus récentes, François Georgeon éclaire la figure controversée d’un souverain qui voulait à tout prix sauver « l’homme malade » et rêvait de faire de son empire un Etat moderne et une grande puissance musulmane.
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