« L’histoire politique a mauvaise presse chez les historiens français. Condamnée il y a une quarantaine d’années par les meilleurs d’entre eux, un Marc Bloch, un Lucien Febvre, victime de sa solidarité de fait avec les formes les plus traditionnelles de l’historiographie du début du siècle, elle conserve aujourd’hui encore un parfum Langlois-Seignobos qui détourne d’elle les plus doués, les plus novateurs des jeunes historiens français. » Ainsi décrivait en 1974 l’historien Jacques Julliard le statut alors peu enviable de ce créneau de la recherche historique jadis florissant qu’est le politique. Il stigmatisait par ailleurs — et les cautionnait — les « attendus du jugement ». « L’histoire politique est psychologique, et ignore les conditionnements ; elle est élitiste, et ignore la société globale et les masses qui la composent ; elle est qualitative et ignore le sériel ; elle vise le particulier et ignore la comparaison ; elle est narrative et ignore l’analyse ; elle est idéaliste et ignore le matériel ; elle est idéologique et n’a pas conscience de l’être ; elle est partielle et ne le sait pas davantage ; elle s’attache au conscient et ignore l’inconscient ; elle est ponctuelle et ignore la longue durée ; en un mot, [...] elle est événementielle. » Et J. Julliard d’ajouter : « Elle ne mérite pas le nom de science, même affublée de l’épithète d’“humaine”, et surtout pas de sociale. Car désormais, de l’aveu général, il n’est d’histoire que sociale, c’est-à-dire collective, mettant en scène des groupes, et non des individus isolés. [...] depuis longtemps, elle a cessé de sécréter sa problématique, et d’inspirer des travaux novateurs. » Nul doute que l’ouvrage créé par les Actes du Colloque international qui s’est tenu à Liège en mai 2000 s’attirera certaines des critiques énoncées plus haut. Et nous aimons à dire, du thème du présent volume, à l’instar de Philippe Contamine à propos du maître ouvrage de Bertrand Schnerb sur les maréchaux de Bourgogne, qu’« il y a encore quelques années, un semblable sujet, ressortissant d’abord et avant tout à l’histoire des institutions, aurait paru quelque peu démodé ». « Son auteur, poursuit-il, aurait été stigmatisé par les maîtres de l’historiographie dominante — du moins en France — comme un tenant attardé de l’histoire positiviste traditionnelle. » Et Ph. Contamine termine en précisant fort à propos que « traiter de la “maréchaussée”, c’est traiter des maréchaux, donc faire de l’histoire sociale, de la prosopographie ».
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