à la fenêtre du transsibérien...
À la fenêtre du Transsibérien c'est le journal d'un regard en voyage, un travelling bruyant qui tend la main aux arbres, aux graminées, aux fleurs sauvages, aux steppes allongées ; côtoie des hommes et fait chaîne avec eux derrière le carreau en écoutant la prose du train. Un journal du regard qui s'écrit de façon résolument poétique, au quotidien des rails et des jours, dans l'étonnement de ce qui s'ouvre à travers la vitre qui avance. Un journal qui pousse sa phrase comme on pousserait un vers sans retourner à la ligne, ce que font les trains progressant sans fin dans le bruit des fers et du ballast, dans la cadence métallique des locomotives au poitrail étoilé, dans les silences du samovar qui retient son eau chaude ; dans les arrêts qui empliront ou videront les quais. C'est un journal de cabine habitée jour et nuit, de Moscou à Pékin en passant par le lac Baïkal et Oulan Bator. De temps à autre, surgit dans la prose un court poème rythmé - entre refrain et haïku - comme autant de traverses de chemin de fer ou d'interstices entre deux rails. Tout défile, déambule, défait et refait le tissu des choses et des hommes. On embrasse du regard la Sibérie des tourbières et du bouleau, la Mongolie des steppes, la Chine du loess et la cohue des vivants. On est du train. Dans le train. On grandit dans l'espace. On lui appartient. On est dans la pulsion du monde.
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