Parler la poésie c'est quelquefois garder le silence. Se taire. Yvon qui s'ouvre aux
autres si spontanément dans la vie courante, aime à se taire dans ses poèmes.
Je fais l'inverse, parlant peu dans le jour, m'exprimant sur des hectomètres
de phrases ou de vers dans les tomes de La Maye. La plage où viennent se
fracasser les paroles sur le sable silencieux est notre lieu de rencontre. Nous
nous écoutons. Nous pratiquons l'écoute de l'autre sans perdre de vue le fil
de nos propres discours. J'aime que le nordique skaut, cette corde qui oriente
la voile, ait donné «écoute» en français. En langue anglaise, filer l'écoute, la
corde c'est «to spin a yarn», dérouler une histoire. Notre amitié, me semble-t-il,
réussit cette manoeuvre maritime avec beaucoup de naturel, d'expertise. Car
la poésie est une parole du large, du haut, du loin, à distance de la parole
médiane ou des médias.
Comme la marée il se peut qu'elle s'éloigne momentanément du rivage où les
plagistes de tout bord, disques ou écrans, se livrent à leurs jeux de sable favoris.
Il n'empêche. Dressez l'oreille ! Écoutez la rumeur du fond qui s'amplifie au
fond de la Baie picarde ou des multiples anses bretonnes ! C'est du fond de
l'existence que nous viennent les injonctions les plus tumultueuses, les plus
fascinantes. Aussi bien écoutez-nous, dans les pages qui suivent, marcher sur
nos rives maritimes tout à côté de vous, nous expliquant l'un à l'autre comment
chacun capte et restitue, avec l'oreille et la bouche, cette musique qui nous
vient du profond de la création».
Extrait de la préface de Jacques Darras
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