1940-1944

Voilà donc le nouveau pan de mémoire bâti au fil des rencontres ici et là avec les uns et les autres, les obscurs qui traversèrent la période sans grade, mais l'âme et le souvenir fidèles. «Un témoignage c'est une histoire. Deux témoignages c'est l'histoire» disait Malraux. Et il y en a des centaines ici, recoupés bien sûr dans le souci de l'authenticité jusque dans les moindres détails.

On y trouvera cette fois des Bretons en Sarre, territoire allemand, au début d'une guerre pas drôle du tout ; dans la débâcle quand Hitler en décida ; la poche de Dunkerque où des légendes s'effondrent, des naufrages. Des évasions de prisonniers, car on ne «cause» pas beaucoup de ceux-là ! Ce cavalier de Plomelin tiré comme un lapin dans les lignes allemandes devant Maginot... Ce fantassin de Poullan-sur-Mer, ce sergent de Rosporden découvrant par la Belgique des filières en tous points semblables à celles qu'empruntaient en Bretagne les aviateurs alliés... Ces amis quimpérois remis à la Wehrmacht au camp de Drancy par des policiers français avant même l'armistice !

... Et de Brest, Le Conquet, Molène, Ouessant, Lampaul-Plouarzel, Argenton, l'Aberwrac'h de Landéda, Plouguerneau, Kerlouan, Roscoff et Batz, les îles de Sieck, de Callot, Térénez en baie de Morlaix par le Pont de la Corde, ces départs d'une jeunesse ardente à la fin du printemps 1940 vers d'autres rives où elle s'accrocha d'instinct, avec au cœur la seule folie d'espérance. Les Anglais ne s'y trompèrent pas. Ils les appelèrent Free French, Français Libres, tandis qu'en France on les traitait de «dissidents» et on les condamnait à mort ! Voici des tranches de leur épopée ; et Brest sous les bombes où s'épanouissait l'esprit de la Résistance, informelle, plus tôt qu'ailleurs sans doute, car l'épreuve y fut rude tout de suite. En attendant la suite, bientôt, puisqu'il reste tant à dire dans ce devoir de mémoire...

Et au diable les fâcheux, les censeurs qui vont prêchant que le sujet n'intéresse plus personne, «ami entends-tu le vol noir des corbeaux sur la plaine...» ; que cette époque est révolue ; que Vichy n'est plus qu'une ville d'eau pour le foie.

Pourtant, si l'on parle aujourd'hui partout de «repentance», le joli mot remis en grâce, dans l'Eglise, à l'Ordre des médecins, de la police, des juges, il faut croire tout de même que cela continue à gratouiller quelque part...