Correspondance générale, tome IV, 1856-1862
Le tome quatre de la Correspondance générale d'Ernest Renan, qui commence en 1856 pour s'achever en 1862, comporte plus de 700 lettres, dont 282 inédites et 178 partiellement inédites.
Au cours de cette période, Renan gravit les échelons d'une carrière minutieusement préparée. En 1856 il est élu membre de l'Académie des inscriptions et belles-lettres, au fauteuil d'Augustin Thierry. Ce succès, écrira-t-il à son frère Alain, « assoit ma position et me confère une sorte d'inviolabilité qui m'était très nécessaire. S'il contribue peu pour le moment à améliorer ma position matérielle, il élève beaucoup ma situation littéraire, ce qui ne peut manquer d'avoir une influence indirecte sur ma position pécuniaire elle-même »...
En 1860 il part pour la Phénicie accomplir une mission archéologique. Il dirige, avec le concours du général Beaufort d'Hautpoul, de l'amiral de La Grandière et du docteur Charles Gaillardot, quatre campagnes de fouilles : Djebeil (Byblos), Saïda (Sidon), Sour (Tyr), Tortose (Antaradus) et l'île de Ruad, (Aradus), auxquelles participera activement Henriette, qui décédera à Amschit le 24 septembre 1861. Cette mission, où il aura utilisé, parmi les premiers, la photographie, donnera naissance à trois ouvrages majeurs : la Mission de Phénicie, qui constitue le fondement de l'archéologie phénicienne, le Corpus inscriptionum semiticarum et la Vie de Jésus.
En 1862 il est nommé professeur titulaire des langues hébraïque, chaldaïque et syriaque au Collège impérial de France, où il donnera, le 22 février, sa première leçon, au cours de laquelle il prononcera à propos de Jésus cette phrase fameuse qui fera scandale et entraînera le 26 février sa destitution : « Un homme incomparable - si grand que, bien qu'ici tout doive être jugé du point de vue de la science positive, je ne voudrais pas contredire ceux qui, frappés du caractère exceptionnel de son oeuvre l'appellent Dieu. »
Sa vie personnelle connaît aussi de multiples changements. En 1856, il épouse Cornélie Scheffer, fille d'Henri Scheffer, et nièce d'Ary Scheffer. Cette alliance avec une famille de peintres lui ouvre les portes du milieu artistique ; elle sera un drame pour sa soeur Henriette, qui jusque là régentait sa vie privée. De cette union naîtront trois enfants : Ary (1857-1900), Ernestine (1859-1860) et Noémi (1862-1943). Ces années seront marquées également par la faillite d'Alain Renan, le frère aîné, qui entraînera la ruine d'Henriette.
Au fil des années, grâce à son oeuvre critique, Renan est reconnu et comme un adversaire de l'Eglise catholique - « les prêtres, lui écrira son ami Prévost-Paradol, ont senti en vous leur plus dangereux adversaire ; vos idées, leur forme, votre calme, votre façon scientifique de les mettre hors de la question en matière d'étude religieuse, tout en vous est fait pour les épouvanter et les exaspérer à la fois » -, et comme un artiste, un des maîtres de la littérature d'idées.
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