Après Peindre debout, recueil d'entretiens paru à L'Atelier contemporain en 2016, Portrait en fragments invite à une nouvelle exploration de l'univers foisonnant de l'artiste monténégrin Dado (1933-2010). Organisé autour de thématiques essentielles pour appréhender l'une des figures les plus singulières de l'art de la seconde moitié du XXe siècle, l'ouvrage a été conçu et annoté par sa fille, Amarante Szidon, à partir d'enregistrements, pour la plupart inédits, réalisés en 1981 et 1988 par Christian Derouet, commissaire de l'exposition « Dado. L'exaspération du trait » au Centre Pompidou (19 novembre 1981-18 janvier 1982).
De sa jeunesse au Monténégro et à Belgrade à sa découverte du Vexin français, de Paris et de New York, en passant par sa conception du dessin ou de la peinture, ou l'évocation du poète Henri Michaux ou du naturaliste Buffon, Dado nous convie, tout au long de ce livre, à une odyssée passionnante à travers sa vie et son oeuvre.
Je ne me suis jamais rendu compte ni senti concerné par des préoccupations esthétiques et artistiques, vraiment pas. Je pense avoir pris la peinture, et le dessin et la gravure, je ne Jais pas ça pour apporter quelque chose à l'art, enrichir les théories de l'art, toute cette prétention, pas prétention, mais ambition artistique, je ne les ai pas. Je voudrais simplement, à travers cette peinture, pouvoir survivre, survivre moralement et mentalement. Et peut-être que lorsque quelqu'un regarde mon travail, c'est ce qu'il ressent. Si mon tableau est vivant, je pense que la personne qui le regarde, elle est touchée par ce que je fais, pas parce que j'étais performant dans mes préoccupations esthétiques, mais parce que j'étais très proche de la vie, tout simplement.
Ce qui m'intéresse, c'est une surface peinte, parce qu'une peinture qui est peinte, elle atteint une richesse minérale ou organique, comme un sol, comme une falaise, comme une écorce d'arbre. Alors, on peut dire : qu'est-ce-que tu vois autour de toi ? Je vois la peinture, je vois l'écorce d'arbre, je vois les nuages, je vois le sol, et malheureusement, je vois de la ferraille, et malheureusement, je vois des murs, et malheureusement, je vois des gens sur une moto, et voilà... Je pense que la peinture doit retrouver - j'essaie de mettre ça dans mon travail - cette noblesse, très simplement végétale et organique, c'est tout. C'est tout ce que je lui demande, je ne lui demande aucun message.
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