Après les ancestrales spéculations sur le statut de l'embryon,
après les multiples controverses sur le devenir des bébés-éprouvette,
les dilemmes soulevés par la question des mères porteuses, l'unanime
condamnation du clonage, une autre technique susceptible d'entraîner
des bouleversements psychologiques et anthropologiques sans
précédent se profile à l'horizon du XXIe siècle. La création d'utérus
artificiels permettant la réalisation d'une gestation entièrement en
dehors du ventre de la femme est en effet aujourd'hui un véritable
programme de recherche affiché par plusieurs laboratoires de par le
monde qui pourrait aboutir dans un avenir relativement proche.
Comble de l'artificialisation, emprise de la technique sur la naissance,
mécanisation de la perpétuation de l'espèce humaine... toutes ces
visions surgissent dès que l'on évoque la possibilité de l'ectogenèse :
voulons-nous d'un monde où ce sont des machines qui accouchent
des bébés ? Ces enfants qui ne naîtront plus du ventre de leur mère
subiront-ils quelque préjudice d'avoir été ainsi conçus ? L'évitement
de la grossesse aura-t-il quelque conséquence sur l'attachement
maternel ?
Toutes ces questions angoissées ont sans doute masqué quelques
interrogations plus essentielles : sur quelles représentations de l'enfantement
fondons-nous ces inquiétudes ? Quelle image avons-nous
de la parentalité pour craindre que les mères n'éprouvent certaines
difficultés à aimer les enfants qu'elles n'auront pas portés ? Quelle
justification donnerons-nous à une éventuelle criminalisation de
l'ectogenèse ? Et, le cas échéant, quelle vision de l'humanité le droit
esquissera-t-il ?
Cet essai tente ainsi de dépassionner le débat qui s'installe autour
des utérus artificiels afin de penser la reproduction à l'ère de l'ectogenèse
au-delà des fantasmes et des évidences jamais interrogées qui
l'entourent.
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